jeudi 19 avril 2007

[Chronique] Garorock

Chaque année, ma petite ville de province pourrie se fait envahir par une armada de « jeunes » qui font peur à la population locale avec leurs crêtes punk, leurs dreadlocks, leurs jeans troués, leurs piercings, leurs comportements obscènes... Les jeunes font peur, mais les jeunes sont surtout là pour assister au plus beau gros festival de la région : Garorock, à Marmande !!!!!

J’aurais tort de ne pas profiter de la situation... Et donc me voilà barman bénévole, pour avoir l’entrée et les consos gratos, l’accès à l’espace VIP et le droit de rentrer sans me faire tripoter par un agent de sécurité bourru. Prêt à attaquer le seul évènement intéressant de l’année dans la région ! (je l’ai déjà dit, mais on en est fier autant en profiter)

Vendredi 6 avril, temps chaud, un peu lourd mais pas une trace de pluie. Votre serviteur prend ses quartiers dans le bar à vin et champagne, et fait le tour du site avant d’embaucher. Quatre scènes comme l’année dernière, de la minuscule scène « MySpace » à la grande scène de l’espace expo, il ne suffit que de cinq minutes pour faire le tour du propriétaire, mais le site est presque vide. Les concerts n’ont pas vraiment encore commencé, il y largement de la place pour circuler.

Je commence donc mon service, il y a peu de monde ce qui permet au tronpa de nous libérer pour nous permettre d’aller voir un petit bout d’Un Air, Deux Familles, espèce d’énorme collectif composé des Hurlements d’Leo et des Ogres de Barbacks, deux groupes de chanson française. Le concert est très bon, l’alchimie est étonnamment parfaite entre les deux groupes qui alternent avec une facilité déconcertante passage calme et festif. Je retiendrais mon arrivée survoltée sur « La gare de Caen » le moment le plus péchu du concert et le fameux « Rue de Paname » en fin de concert. Un moment attendu depuis longtemps.

Je retourne à mes quartiers, on essaye de me soudoyer gentiment et je file voir Herman Dune. Je reste bien trois quarts d’heure à danser, à m’imaginer dans les années 60 avec limite une fleur dans les cheveux grâce à ce groupe suédois qui nous fournit merveilleusement en pop ensoleillée et en mélodie accrocheuse. Le chanteur, barbu comme Demis Roussos, se fend même de quelques phrases en français. Un petit détour par Tété, où on peut se rendre compte que le pauvre garçon n’est pas vraiment un grand chanteur de scène. Je retourne au bar me faire soudoyer. Et là ça y va de plus belle, on m’a proposé de l’argent, des tickets rouges à la place de tickets verts, des joints, des clopes, des fins de joints, des bisous, des gobelets vides et... un dinosaurus. Je te jure Kantal, le mec il était là en train de parlementer depuis une demi-heure, quand sa meuf me tend sous mon nez un dinosaurus tricératops (oui, tricératops). Encore une preuve que je ne suis pas totalement incorruptible.

Puis je pars avec ma mère (ouais parce que Baïkal va en festival en famille) rejoindre mon père à la grande scène. Et là j’ai vu une relique, une vraie ! Je suis arrivé à la fin du concert. Et j’ai donc vu, en live, « Antisocial » de Trust. C’était jouissif, toute la jeunesse qui ressurgissait, mon père a perdu 15 ans minimum. Bernie avait beau avoir pris un peu de poids entre temps (mon père aussi, remarque), porter toujours un bandana ringard et s’être fendu d’un sublime t-shirt « Arlette Laguillier », il avait une pèche d’enfer. J’étais surexcité. Un petit détour pour finir vers le grand chapiteau où se déroulait la fin du groupe hispanisant Ojos de Brujos et j’étais parti.

Samedi 7 avril, chaleur étouffante, pas de vent et votre serviteur arrive trop tôt, attendant ses camarades de picole. J’assiste à la répétition de Yelle, dont la session rythmique est excellente et à celle de Galaxie 500 qui me fait profondément chier. Puis je vais voir The Lost Communist groupe de funk-rock de Bordeaux qui fait bouger juste ce qu’il faut dans cette chaude après-midi et je retrouve enfin mes camarades ! Mais avant de les rejoindre je croise Chino Moreno, dans l’espace Pro, tranquillement en train de pousser son skate et de finir un sandwich !

Je deviens totalement hystérique pendant une bonne heure à boire et fumer, puis retourne dans le site où l’on décide d’aller voir ce que donne la dernière rejetone de la famille Higelin : Izia. On sait juste qu’elle a 16 ans, et on s’attend à une gamine qui nous chante de la chanson française gentillette. Et que nenni, c’est une furie, un croisement improbable entre Janis Joplin et un vieux punk bourré qui hurle des insanités (« She’s a bitch ! She’s a bitch ! Bitch ! Bitch !») sur une musique punk-rock, certes peu révolutionnaire mais pleine d’énergie. Puis encore une période calme, les Ogres de Barbacks sur la grande scène, seuls cette fois-ci, qui sont un poil chiants à s’évertuer à jouer tout leur répertoire calme alors que les festivaliers réclament du sang et du bruit.

Joey Starr, qui a vraiment une voix monstrueuse nous fournira un ersatz de ce que l’on attend, mais c’est Deftones sur la grande scène qui démarrera les hostilités. En une heure de concert, ils ont fait celles que l’on attendait le plus : « Back To School », « My Own Summer » et l’explosion sur « Bored » qui clôtura le concert. Un moment unique, concentré en une heure de concert brut, avec quelques cris dissonants de Chino « Burger King » Moreno et un groupe un poil mou mais qui ne gâche pas le plaisir de le voir « chercher la lumière qui n’existe pas » pendant qu’il chante.

Puis à peine le temps de souffler on fonce à CSS, qui sont déchaînées elles aussi ! Elles enchaînent les tubes, hurlent aussi fort que Joey Starr, se roulent par terre et finissent en beauté sur un « Let’s Make Love and Listen Death From Above » démentiel !!, Ensuite une petite pause, un petit passage vers Digitalism et direction vers là où les festivaliers les plus avertis se sont donnés rendez vous : le spectacle de Center Of The Earth.

Center Of The Earth est donc un spectacle créé spécialement pour le Garorock, par deux groupes de hip hop monstrueux : Maniacx, sorte de Beastie Boys niçois et les Puppetmastaz, célèbre combo de marionnettes rappeuses from Berlin. Le spectacle est terriblement rodé, vieilles chansons des deux groupes et nouvelles compos se mélangent parfaitement. Grâce aux Maniacx, la narration de l’histoire du « level seveteen » est parfaite et le jeu de scène est très bon, les interludes passent très bien et la nouvelle puppet est une française : Richelieu !! La foule est hystérique, personne ne s’est perdu, tout le monde veut les voir et le spectacle est largement à la hauteur des espérances ! Le clou du samedi.

Ensuite un petit détour par Alec Empire qui nous balance sa hardtek survoltée que je ne peux admirer longtemps. Car je veux surtout finir sur Vitalic qui mixe tube sur tube avec une classe sans pareil, dont « La Rock 01 » qui démarre pile quand j’arrive me fait virevolter dans tous les sens, c’est à ce moment là que j’ai commencé à avoir des douleurs dans les cervicales. Ensuite je file faire un saut à l’after de l’espace pro, que je crois nulle et je vois Missill, sublime Djette que j’admire, habituée du Garo, en train de mixer à deux mètres de moi alors que c’est celle qui va clôturer le festival. Ensuite, un petit bout de Teenage Bad Girl, deux DJ d'électro-punk, semblable à Justice qui font danser comme des fous ceux qui ont survécu, dont moi. Il est 4h du mat, l’heure d’aller au lit.

Dimanche 8 avril, il fait bon, il pleut un peu toutes les trois heures, votre serviteur va naviguer entre toutes les buvettes des scènes du Garo. A celle de la scène Dickies, j’assiste au fabuleux concert de Nelson, groupe de rock à mèche insipide. Ensuite à celle sous le grand chapiteau, il y a H Kayne, un très très bon groupe de rap marocain, dansant et exotique comme il fout ! En plus j’évite Sanseverino, qui m’énerve et je vois le tout début d’Olivia Ruiz, qui est pas mal sauf quand elle commence à chanter... (mais elle avait une otite il parait)

Je vais bouffer et j’enchaîne avec le début du concert de Public Enemy ! Pour leur deuxième venue en France, ils sont magiques, magnifiques, magistraux. Chuck D est surexcité, Flavour Flav est posé mais précis et nous font chanter jusqu’à la mort. Toujours contestataire, ils crachent des « fuck George Bush » toutes les minutes et se fendent même d’un « fuck Sarkozy » de bon ton. Quand tu es dans une foule, tu n’as pas nécessairement besoin de crier des trucs super intelligents, et ça fait du bien. Les beats sont puissants, le DJ est excellent (et il nous fait une impro de cinq minutes du feu de dieu), le groupe est aussi excellent (car il y a guitare, basse, batterie, trompette et choristes pas habillées en grognasses) et j’ai kiffé ma race. Ensuite je deviens barman à la grande scène et en même temps je redeviens un Dieu vivant ou « l’homme qui fournit la bière » personne vénérée par 85% des festivaliers ce qui me permet de prendre la grosse tête.

Ca enchaîne avec encore un excellent DJ, Q-Bert, trois fois champion du monde, qui est excellent mais que je ne peux apprécier à sa juste valeur à cause du rythme de fou du bar de la grande scène. Puis je vais voir le mythique DJ français, Laurent Garnier, lui aussi excellent qui joue « Crispy Bacon » et les titres plus planant du dernier opus avec la même facilité. Je drague une bénévole tchèque et je fais un saut à Missill, une des meilleures DJette du moment qui mélange Breakbeat, Hip Hop et Rock avec talent. Et qui en plus en plus d’être vraiment une vraie bonnasse qui bouge bien (le meilleur moment du concert c’est quand elle enlève sa veste pour se retrouver en débardeur), arrive à remplir à bloc le chapiteau Dickies, ce qu’elle seule a réussi à faire. Des gens dansent en dehors du chapiteau, malgré la petite pluie, l’ambiance ne se refroidit pas. Une artiste qui aurait mérité la grande scène.

Je finis à Hextatic, bon DJ d’Electro Hip Hop, amateur de Beastie Boys et de House Of Pain, à faire des conneries avec la tchèque, donner les tickets boissons à des soiffards, et manger des frites à la moutarde pour m’enfuir pour d’obscures raisons en laissant derrière moi l’after VIP, la tchèque et Little Mike des Birdy Nam Nam en set exceptionnel et privé. Et aujourd’hui le « j’ai vu, j’ai vu » du jour aura été Gérard Baste chanteur des Svinkels dont un de ses potes m’a taxé une clope. \o/

En conclusion, une très bonne progra pour l’amateur de hip hop et d’électro pur cru que je suis, et pourtant j’en ai loupé (Asian Dub, !!!, Yelle ou les Wriggles) mais un cruel manque de rock, voire de métal. Un son encore amélioré cette année avec l’astuce des tentures sur les murs en tôle de l’espace expo. Un bénévolat ultra facile et jouissif. Un prix un peu cher (mais je m’en fous je paye pas) et un espace de vente de tickets-boissons peu pratique (mais je m’en fous j’en avais pas besoin), et des espaces de bouffes bien grasses pas dégueu !

Le festival a lui fait 41.000 entrées et battu son propre record et s’annonce, grâce à une couverture médiatique importante (la caravane de France 4 qui retransmet le festoche en direct, Le Mouv’ qui enregistre des lives...), des exclus, des créations (enfin surtoutune, parce qiue les belles rosses bouses avec Babylon Circus, non merci) et une organisation un peu roots mais correcte comme un festival important, un des nombreux petits frères français de Dour.

Liens :

www.garorock.com

Izia : http://www.myspace.com/iziamusic

Missill : http://www.myspace.com/djmissill

Herman Dune : http://www.myspace.com/therealhermandune

Teenage Bad Girl : http://www.myspace.com/teenagebadgirl

1ère partie du concert de Public, filmé par France 4 : http://www.youtube.com/watch?v=g4LSIHXt0E0

ou l’émission en intégralité (il faut se piffrer les 3 heures d’émission dont une heure de Public Enemy) : http://www.france4.fr/prog.php?id_prog=4085#

lundi 2 avril 2007

[Biographie] The Supremes

Dans les sixties il y avait dans la musique black une opposition féroce entre le label Motown (le raffiné de Détroit) et Stax (le bourru de Memphis) qui monopolisaient à eux deux le devant de cette scène. En effet pour faire découvrir la musique soul aux blancs ces deux labels utilisaient des moyens considérables, des auteurs de talents, des studios perfectionnés, des techniques commerciales pointues et des groupes de jolies filles. Je vais m’intéresser au plus connu d’entre eux : les Supremes.

Le groupe était composé à la base de trois chanteuses (Mary Wilson, Florence Ballard et Diana Ross), les musiciens n’ont que peu d’importance dans ce genre de groupe. L’histoire démarre en 1961 par le choix de la meneuse, de la soliste qui revenait à Berry Gordy le patron de Tamla Motown. Alors que Florence Ballard avait été initialement choisie pour tenir ce rôle grâce à sa voix gospel qui surpassait de loin celles des deux autres et surtout grâce à une fragilité et une douce émotion qui transperçait la scène, c’est Diana Ross qui la remplaça en 1964. Pourquoi ? Et bien on raconte que cette petite chipie était convaincue que si elle prenait le rôle de meneuse des Supremes, elle mènerait le groupe vers la gloire et il ne lui restait plus qu’à convaincre son patron. Pour cela elle s’enferma dans les toilettes du 1er étage du building West Grand Boulevard, siège de la Motown, pour se faire farfouiller le roudoudou par Berry Gordy. Lui, convaincu après cette expérience que la petite avait de l’ambition à revendre conseilla à la triplette d’auteurs maison (Holland, Dozier & Holland) de lui confier la lead voice.

Ce que les Supremes perdront en émotion et en voix, sera largement compensé par l’énergie et la présence de Diana Ross, et surtout par sa beauté féline et sensuelle. En 1964, après le premier passage du groupe à l’Ed Sullivan Show, le groupe fait un carton avec « Where did our love go » et commence à être connu dans toute l’amérique. Puis les succès vont s’enchaîner, comme « Baby Love » qui sera numéro un aux States et au Royaume Uni, « Come See About Me », « Stop ! In The Name Of Love », « Back In My Arms Again »... Le succès est total, la Motown s’en met plein les fouilles, mais dans le groupe les relations se sont dégradées entre Florence Ballard et Diana Ross. Et pour ne pas risquer de perdre le groupe, Berry Gordy licencie Florence sans ménagement, lui préférant son amante, celle qui lui avait gagné des centaines de milliers de dollars. Holland, Dozier & Holland quittent la Motown la même année, faisant baisser la qualité des chansons et donc les Supremes n’accèdent au top qu’une seule fois avec « Love Child ».

En 1970, Diana Ross quitte le groupe, laissant Mary Wilson comme seule membre de départ au sein de la formation et qui y restera jusqu’au bout malgré les nombreux remplacements (dix chanteuses différentes en tout). Le groupe ne sortira plus que des succès mitigés et s’arrêtera définitivement en 1976. Diana Ross explosera en solo dès 1970 avec « Ain’t No Mountain High Enough », ensuite elle fit un disque avec Marvin Gaye, devint star de cinéma, puis une des grandes figures du disco... Elle est actuellement en pleine forme et continue à sortir des disques. Quand a Florence Ballard, elle mourut en 1975 d’une crise cardiaque, à seulement 31 ans après une fin de vie plongée dans l’alcool, la drogue et les joies des boulots ingrats. Elle laissait derrière elle trois gosses et une carrière solo médiocre.

Ce qu’il faut retenir de ce groupe, c’est que ce fut le premier girls-band de l’histoire de la musique populaire à avoir eu un tel succès. L’ancêtre commun des plus ou moins bons groupes de musique black jusqu’à encore aujourd’hui. On pouvait voir ou entendre beaucoup de Supremes dans les Destiny’s Child, dans la voix de Laurin Hill, dans celle de Mary J. Blige, dans tout ce qui a été fait par des femmes dans la soul qu’elles soient blanches ou noires.

Personnellement je serai toujours attaché à ce groupe, parce que l’inconditionnel mielleux qui est en moi adore les bons sentiments et les chansons choux à la crème, et celles des Supremes en font partie. J’agiterai toujours les bras en baissant la tête quand j’entendrai par hasard l’intro martelée au piano de « Baby Love » (une des plus belles intros du monde), je brandirais toujours un poing rageur sur « Stop ! In The Name Of Love », je danserai toujours sur toutes leurs premiers 45 tours... Mais surtout je n’oublierai jamais « I Hear A Symphony », la plus belle de toutes, où leurs voix cristallines s’élèvent, se mélangeant à une musique si belle et si dansante à la fois que l’on est sans cesse partagée entre les larmes de joie et le désir irrépressible de bouger son popotin.

I Hear A Symphony, la plus belle de toutes

http://www.youtube.com/watch?v=B7T2Jy-xpb0

Baby Love, Top Of The Pops, 1964

http://www.youtube.com/watch?v=23UkIkwy5ZM

Deux morceaux avec les Temptations autre grand groupe vocal de la Motown, mais cette fois-ci exclusivement masculin, où l’on voit bien le charme naturel de Diana Ross s’exprimait.

http://www.youtube.com/watch?v=HIFuoDatv1I